Kinésithérapie équine: mobilisations et étirements

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Avant-propos

Quel que soit l’emploi du cheval, la qualité de sa locomotion est un facteur « clef » dont dépend non seulement la « spécialité » vers laquelle on le destine, mais aussi sa préservation, et ce tant dans les domaines du sport que du loisir.

Par l’expression « qualité de la locomotion », sont sous-entendues les notions :

  • d’amplitude
  • d’activité
  • de fluidité
  • de coordination
  • d’élasticité

Il va de soi qu’en fonction des qualités naturelles du cheval, les objectifs quant à son utilisation doivent être cohérents ! Je fais allusion ici à des chevaux dont les conformations sont telles qu’elles « interdisent » certaines activités sous peine de prendre des risques réels pour la préservation du cheval, et ce tant d’un point de vue physique que psychique. Pour imager par la caricature, inutile de mettre à l’entraînement de course un percheron (!), pas plus qu’un pur-sang au débardage… Et ce sans vouloir forcer le sourire, car chacun d’entre-nous a certainement côtoyé des situations plus ou moins absurdes, même moins extrêmes…

Une locomotion « de qualité » est caractérisée par l’amplitude des mouvements et leur fluidité. Faut-il rappeler que le cheval, en charge de son cavalier, est sous la contrainte d’efforts musculaires différents de ceux qu’il fournit en liberté ?
La priorité du cavalier devrait être mise sur la réflexion et la recherche de moyens permettant de conserver, retrouver et développer cette amplitude et cette fluidité.

Une technique « méconnue », issue de la kinésithérapie équine, consiste à pratiquer des mobilisations et des étirements.
Les lignes et chapitres qui suivent n’ont pour valeurs que celles issues de mes propres expériences, n’étant pas « qualifié professionnellement » dans le domaine de la kinésithérapie équine ; expériences qui sont issues de la manipulation de mes propres chevaux et de ceux qui m’ont été confiés, tous ayant montré de nettes améliorations dans leurs locomotions, et pour certains la récupération d’amplitudes articulaires perdues…
En prenant en compte quelques simples règles d’applications, qui sont d’ailleurs plus proches du bon sens que que du domaine de la technique, et vus les apports bénéfiques que l’on peut en retirer, les cavaliers et les soigneurs devraient tous être sensibilisés à la pratique de ces mobilisations et étirements qui, menées avec le consentement du cheval manipulé, ne peut qu’apporter du « positif »… D’autre part, le cheval manipulé ainsi, on a là un « indicateur » immédiat sur sa disponibilité ou l’éventuelle apparition de limitation de geste, permettant de déceler au plus tôt un « dysfonctionnement » physique avec toutes les conséquences que cela implique.

Les mobilisations ont pour but d’induire des mouvements articulaires et un étirement, une élongation de formations fibreuses et musculaires. (Approche de la Kinésithérapie du cheval. DENOIX – PAILLOUX)

La proprioception

C’est la « sensibilité profonde » qui correspond à la perception du corps dans l’espace. Elle permet d’ajuster les mouvements et les postures grâce à un échange d’informations entre la musculature profonde (cybernétique), les capsules articulaires, les jonctions musculo-tendineuses et le système nerveux.

Les mobilisations et les étirements dont le but, dans le cas qui nous intéresse, est d’augmenter l’amplitude des gestes du cheval, vont « renseigner » les capteurs « proprioceptifs », ce qui concrètement, modifie le schéma corporel du cheval. Progressivement, le cheval mémorise des amplitudes allant au-delà de ce qu’il utilise dans le cadre de sa vie « au naturel », ou lui permet de « retrouver » une amplitude, atténuée suite à une pathologie.

Il faut donc bien différencier le « cybernétique » du « musculaire » : les muscles de « gymnastique », c’est à dire ceux qui assurent la motricité, la puissance, qui actionnent les principaux « leviers musculaires », sont peu innervés et donc peu « enclins » à renseigner d’un point de vue de la proprioception ; ce sont en quelque sorte des « travailleurs de force » ! C’est au niveau de la musculature « profonde », cybernétique, dont l’innervation est de l’ordre de 100 à 1000 fois plus riche que la musculature « de gymnastique », que les mobilisations et les étirements vont renseigner quant aux modifications du schéma corporel. À condition que les muscles « de gymnastique » ne s’y opposent pas ; d’où l’importance à s’assurer que les manipulations sur le cheval sont tolérées, admises par le cheval : si elles sont pratiquées « en force », elles n’auront AUCUNE chance de créer des améliorations. Concrètement, pratiquer les mobilisations et les étirements nécessite le fait que « le cheval aille avec le mouvement demandé », et non en s’opposant au mouvement recherché.

Quelques manipulations

Gai, anglo arabe de 19 ans.

Gitan, anglo de complément de 19 ans.

Historico, PRE de 14 ans.

Les principes de base (suite)

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Ressortent de ces « qualités à faire acquérir » au cheval quelques principes qui, au fond, permettent de s’orienter vers un cheval « bauchérisé ».

  • Avoir en tête que l’élévation de la tête et de l’encolure est une priorité dans le début du dressage (reconstruction posturale de l’avant-main : amenuiser la surcharge de cette partie).

  • La mise en main prime sur toute autre action, et cette « légèreté à la main » est le souci constant du cavalier dans sa conservation : en cours de mouvement, le cavalier s’assure de la mobilité de la mâchoire de son cheval, ayant ainsi un indicateur précieux quant à l’éventuelle apparition de contractions « nuisibles » au mouvement considéré, et il s’empressera de la retrouver si elle venait à disparaître.
    L’obéissance aux jambes est développé au point que leur emploi n’est que du domaine d’affleurements, brefs, faibles en intensité. Pendant l’éducation du cheval, si la réactivité tarde à se manifester, l’éperon vient immédiatement au secours de la pression du ou des mollets en sorte que la jambe n’ait jamais « d’effort de pression ». Ce qui implique que le cheval ait été « mis à l’éperon », et non que cet outil soit employé sans que le cheval n’y ait été familiarisé.
    Par souci de clarté dans leur emploi, ainsi que pour la compréhension du cheval, les aides sont séparées, dissociées, ce qui fait que l’expression « main sans jambes, jambes sans main » est un « incontournable » ! Tout du moins pendant l’apprentissage car, au final, le cheval réceptif et réactif aux plus fines actions de main comme de jambes dont l’emploi ne provoque aucune réaction opposée du cheval, ces actions sont du domaine des aides et ce au sens « simpliste » où les aides sont employées … pour aider !

  • À partir du moment où le cheval entre dans un mouvement : descente des aides : rênes flottantes, jambes « inactives ». Et ce tant que le cheval maintient de lui-même ce qui lui est demandé, ou si le cavalier décide de changer de mouvement ; dans ce cas, les aides agissent pour suggérer un nouvel équilibre dont découle le mouvement recherché.

  • Pendant les apprentissages du cheval, agir localement : telle manipulation est associée à telle partie du corps du cheval, et si des difficultés surgissent, elles sont traitées de façon « isolées ». Les flexions, par exemple, sont centrées sur une partie du cheval. La pirouette renversée une autre partie, de même que la pirouette ordinaire, etc… Quand chacune des parties du cheval ont été suffisamment « gymnastiquées », c’est tout l’ensemble que l’on « teste » en mouvement.

À bien y regarder, il s’agit de ne plus avoir aucune contraction « inopportune » dans le corps du cheval ; Baucher expose le fait qu’il faille « détruire les résistances », sans oublier qu’il n’y a là aucune tendance à « forcer »… car pour rappel, il s’agit de décontracter, et par conséquent l’emploi de la force est bien évidemment proscrit ! On n’entre pas en guerre pour détruire des résistances ! Il y a matière à s’interroger sur leur nature et chercher comment faire pour les faire disparaître. Comme pour une manipulation d’ostéopathe, les actions du cavalier doivent être admises, tolérées par le cheval et non avec des oppositions du cheval qu’il faut vaincre ! En découle des mouvements fluides, amples, élastiques, FLUIDES. C’est la recherche et l’amélioration sans fin de la flexibilité…

Les principes de base

Un commentaire

Avant d’émettre des principes, la priorité doit être mise sur le fait que le cavalier doit savoir ce qu’il cherche, pourquoi, et comment l’obtenir. C’est là que ses actes « prennent du sens » ! Et aussi simpliste qu’il y paraisse, si rien n’a de sens pour le cavalier, il y a de fortes raisons pour qu’il en soit de même pour le cheval ! Il n’y a rien de bauchériste là-dedans, c’est une simple question de bon sens, mais il ne paraît pas inutile de le rappeler !

 

Revenons aux qualités à faire acquérir au cheval à dresser pour en extraire des principes :

 

  1. S’attacher sans cesse à obtenir la légèreté, et un ramener bien fixe.
    La légèreté implique la disponibilité de la bouche, le fait qu’elle ne manifeste aucune contraction « d’opposition » à la main, qu’elle accepte de « suivre l’indication » de la main. Non seulement cette décontraction est un indicateur quant à l’acceptation « mentale » du cheval, mais elle l’est aussi concernant la disponibilité physique du cheval. A déjà été mis en avant le fait que le cheval ne peut contracter une de ses parties sans contracter sa mâchoire. Ce qui ne veut pas dire que le cheval demeure décontracté au sens de relaxé, apathique, « mou », sans énergie,… Il me semble que c’est le simple fait qu’aucune contraction musculaire supplémentaire n’apparaisse en fonction du mouvement demandé ou entamé. Le cheval en vient, avec cette cession de mâchoire qui perdure au cours du mouvement, à ne produire que le strict nécessaire d’impulsion pour réaliser le mouvement. C’est d’une certaine manière, reformuler la définition de la légèreté telle que l’a fait le général L’Hotte. D’autre part, cette même cession de mâchoire induit l’équilibre. D’où l’importance de s’assurer au cours du mouvement, qu’aucune contraction n’apparaisse dans la mâchoire…
    Un ramener bien fixe. Là se trouve un des problèmes concernant les termes équestres ! À l’expression ramener, spontanément, je comprends « ramener vers moi », ce qui implique une action de ma part agissant sur la tête pour fermer l’angle « tête – encolure » et rapprocher la tête du tronc…avec touts les problèmes qui en découlent. Il faut comprendre que le ramener est une attitude dans le port de tête du cheval, et que cette attitude s’obtient quasiment d’elle-même après que le cheval se soit familiarisé au fait d’élever son encolure. Le cheval, s’il ne rencontre pas d’actions perturbantes de la main, place alors de lui-même sa tête « dans sa position la plus commode »!D’autre part, le fait d’obtenir un ramener bien fixe ne sous-entend surtout pas la fixité par l’intermédiaire de rênes tendues par une main figée. Il faut comprendre par ce terme STABILTÉ, et non FIXITÉ, sans figer la posture, sans bloquer les mouvements indispensables de la tête et de l’encolure propres à la locomotion du cheval. Il vont être progressivement limités, mais jamais annulés ce qui rendrait l’allure défectueuse.
    A été exposé plus haut le mouvement d’avancée et de retrait de la nuque du cheval sur un axe horizontal, particulièrement visible au pas. Donc, dans un « ramener bien fixe », il faut comprendre une limitation dans l’amplitude de ce mouvement caractéristique du pas, sans chercher à « l’annuler », mais plutôt à le faire « absorber » par toute la colonne cervicale rouée, de la sortie du garrot à la nuque inclues. Stabilité en effet, car l’ensemble tête – encolure représente un bras de levier en porte à faux sur le tronc ; devient évident que son élévation « allège » d’une certaine manière l’avant-main, et s’il se stabilise dans ses amplitudes horizontales, l’équilibre général du cheval s’améliore. Sans oublier, au risque de me répéter, qu’il s’agit de limiter l’amplitude horizontale sans l’annuler ce qui aurait pour conséquence d’accentuer le mouvement de la tête et de l’encolure sur un axe vertical (mouvement de pioche…), donc à l’opposé de l’effet de stabilité recherchée et du respect de la mécanique de l’allure.
    À prendre en considération que la mise en main (légèreté à la main dans la posture du ramener) prime sur toute autre action, voire précède toute autre action. Si au cours d’un mouvement, la légèreté à la main se trouve « perdue », la priorité est mise sur le fait de chercher à la retrouver au plus tôt, quitte à marquer un arrêt si l’on sent des contractions « sérieuses » dans le corps du cheval.

  2. Une grande obéissance aux jambes.
    Inutile d’insister sur le fait qu’un cheval « léger » à la main, qui perçoit les indications sur des rênes « flottantes », serait en totale « contradiction » en étant lourd, froid aux jambes !
    Il n’est pas bien difficile de comprendre, connaissant la sensibilité « tactile » du cheval, que l’emploi des jambes sur son corps DOIT être amené à ce qu’il réagisse à un effleurement de celles-ci. Alors pourquoi a-t-on si souvent des chevaux « lourds » dans les jambes ? Je reste convaincu qu’à la base, cette réaction est due à un emploi simultané et contradictoire de la main et des jambes ; inutile de blâmer le cheval qui n’a fait que respecter ce qui lui était demandé ! D’où la pertinence de s’astreindre le plus possible pour ne pas dire systématiquement, à n’employer que l’un ou l’autre, quitte à rapprocher leurs actions dans le temps, mais surtout pas en même temps. D’ailleurs, l’emploi simultané de ces deux aides forme l’effet d’ensemble, qui dans sa forme la plus autoritaire, « tue » le mouvement !
    SANS OPPOSITION DE LA MAIN, on en vient rapidement dans l’éducation du cheval à ce qu’il se porte en avant avec plus ou moins d’énergie en proportion avec la pression ponctuelle et brève des jambes. La première « condition » de réussite consiste à rendre des jambes à la moindre manifestation d’obéissance du cheval, et non à le « porter dans les jambes » comme on le voit si souvent ; en effet, je crois qu’on ne s’y prendrait pas mieux pour rendre de plus en plus inefficaces des actions de jambes qu’en les prolongeant après l’obéissance du cheval ! Si de plus, la main agissant en même temps provoque une opposition au mouvement demandé par les jambes … inutile de s’en prendre au cheval qui ne sait plus trop quoi faire sous la pression d’actions contradictoires !
    Il en va de même pour déplacer les hanches du cheval sous l’action d’une jambe ; bon nombre de cavaliers ont été surpris de (re) découvrir le réactivité de leurs chevaux quand ils prennent le temps d’être cohérents, et progressifs dans l’intensité de leurs actions ! Au fil des progrès, on s’aperçoit vite que le cheval en vient à réagir « au souffle de la botte », et devient, comme le faisait remarquer le général L’Hotte, « comme insaisissable dans les talons ». Sous une autre formulation, on en vient à « l’équitation en pantoufles » de Baucher.

  3. S’efforcer de maintenir constamment le cheval droit d’épaules et de hanches.
    On aborde ici la rectitude, qui n’est que le fait de mettre la ligne des épaules en face de la ligne des hanches, permettant d’avoir le meilleurs rendement de la locomotion du cheval au sens d’employer l’énergie minimale pour un déplacement optimal ! À notre époque où l’énergie est un problème majeur dans notre société, ça devrait nous parler !
    Concernant le cheval, cela sous-entend que « naturellement », il n’adopte pas spontanément cet alignement ! En effet, le cheval est naturellement infléchi à gauche ou à droite. C’est là que les exercices latéraux prennent, dans un premier temps du dressage, tout leur sens ; je dirais même, tant qu’on n’aborde pas le rassembler, qu’ils n’ont de sens qu’en étant au profit de la rectitude, permettant au cheval d’atténuer progressivement ses dissymétries naturelles.

  4. L’habituer à se passer du secours des aides.
    Le cheval en mouvement, dans l’équilibre correspondant, maintient sans soutien ni de la main ni des jambes le mouvement entamé : c’est la descente des aides. Le cheval a cette forme d’autonomie qui consiste a maintenir de lui-même la consigne qui lui a été posée. Rien de plus clair que la réponse de Faverot de Kerbrech à Étienne Beudant sur la signification de la descente des aides : « il s’agit de ne plus faire sentir ni les jambes, ni la main ». C’est aussi simple que ça, et éduqué par ce principe, le cheval en vient rapidement non seulement à le respecter, mais sans m’avancer je pense qu’il en vient à l’apprécier !
    Donc, tout au long de son dressage, le cheval sera familiarisé au fait qu’il puisse et qu’il doive maintenir seul ce qui lui est demandé. Les seules interventions de son cavalier seront de l’ordre de la « remise de l’équilibre » correspondant au mouvement recherché, ou à l’annulation de la consigne demandée.

  5. Lui rendre le rassembler familier
    C’est ce qui permet au cheval de relever ses allures et ainsi, pour reprendre l’expression, « 
    exprimer tout le brillant que comporte son ensemble ».