À mon sens, la caractéristique majeure réside dans la mise en main, associée à une « reconstruction posturale » (cheval qui « s’auto-grandi »). L’encolure est arrondie et donne la sensation au cavalier qu’elle se « rapproche » de lui, tout en demeurant très élevée, le chanfrein se rapprochant de la verticale sans aller au-delà, la nuque demeurant le point le plus haut.
La conduite du cheval se fait dans la descente des aides, sur des rênes « flottantes » : par conséquent, les aides sont TRÈS discrètes, pour ne pas dire invisibles à l’œil d’un tiers. C’est l’opposé du cheval « comprimé sur lui-même » dans la mise sur la main.

À bien y regarder, l’équitation « ancienne » (issue de la Renaissance et dont l’apogée peut être située sous l’école de Versailles) est caractérisée au même titre que dans le bauchérisme par la mise en main, c’est à dire la décontraction de la mâchoire dans la posture du ramener. Mais ces deux formes d’équitation, malgré cette similitude, se dissocient par le fait que chez les Anciens, c’est la « preuve » de l’équilibre au cours d’une « opération équestre », de l’ordre d’une conséquence, alors que chez Baucher, c’est un préalable, auquel la qualité de l’impulsion est directement liée. Certains vont jusqu’à exposer le fait que la mise en main parfaite augmente l’impulsion.

Pour citer encore Beudant qui faisait l’allusion de « l’obéissance du fils à son père », le cheval a pris une forme d’autonomie, de liberté « conditionnelle », qui consiste à maintenir SEUL la « consigne » qui lui a été donnée, pour ne pas dire suggérée par son cavalier qui doit se contenter « d’aller avec » sans agir, et ce tant que la consigne est respectée : c’est la descente des aides, que le cavalier doit respecter « en ne faisant plus sentir ni les jambes, ni la main », et ce tant que le cheval ne modifie en rien le mouvement initial, la posture et l’allure. Le cheval a trouvé (retrouvé) son aisance naturelle sous la charge de son cavalier, et restitue cette aisance dans ces allures sous les directives de son cavalier qui renvoie l’image du « passager clandestin » et non celle du dompteur ayant réalisé un « tour de force » !

De là, il n’y a qu’un pas pour entrer dans des univers personnels où certains feront des rapprochements avec leurs idéaux : centaure, liberté, etc…, tant ces sensations d’aisance et de fluidité sont de l’ordre du ressenti propre à chacun, et renvoient chacun à ces propres idéaux !
Pourtant, pour faire allusion à une expression issue de la Renaissance où « …en avoir plein les bras … serait une survivance des temps barbares… » qui nous montre que beaucoup d’entre nous n’auraient guère évolué, ou tout du moins que la réalité serait bien décalée des idéaux…à moins que… ! Comme quoi, encore une fois, quand nous ne voyons que ce que nous voulons voir…

Revenons aux qualités du cheval dressé, telles que Faverot de Kerbrech les expose. Pour cela, il faut :

1° s’attacher sans cesse à obtenir la légèreté, un ramener bien fixe, et

2° une grande obéissance aux jambes;

3° s’efforcer de maintenir le cheval constamment droit d’épaules et de

hanches, et

4° l’habituer à se passer du secours des aides.

5° de plus lui rendre le rassembler familier.

Ajouter à cela la « reconstruction posturale » du cheval par son avant-main grandie ; on en vient à déterminer des caractéristiques telles que la technique d’une méthode doit permettre de les obtenir si l’on s’en tient à des rapports de « causes à effets » ! MAIS…

S’en tenir à la technique ne suffit pas ; et ce simplement parce que notre affaire d’équitation s’adresse « à du vivant », et que chaque cheval est différent ! Il y a donc matière à communiquer nos intentions, et à les faire accepter par le cheval sachant que le rapport de force est exclu. En effet, tout partant de la légèreté (à la main) impliquant la décontraction, cette même décontraction ne peut être obtenue sous la contrainte et à fortiori par la force !

Là est une des richesses de ce concept, au sens où il n’est pas « figé » par l’emploi de techniques précises, mais s’appuie sur un état d’esprit! Bien sûr, des techniques existent, mais l’important n’est pas tant dans leur emploi, que dans la réflexion pour trouver, voire pour créer celles qui sont appropriées à chaque individu. La méthode à proprement parler ne devrait être considérée que comme ouvrant des « grands axes directionnels », et revient à chacun de créer ses propres contre-allées !
Pour faire référence à un extrait d’une communication de P. Franchet d’Esperey, « il ne faut pas chercher à marcher sur les traces des Anciens ; il faut chercher ce qu’ils ont cherché ».
Sachant qu’en opposition à la « mise sur la main » où le cheval est comprimé sur lui-même, la « mise en main » suggère au cheval de se prendre en charge, de « s’autograndir » pour faire de nouveau référence à P. Franchet d’Esperey. Ce qui prime, c’est que le cheval gagne en flexibilité, sans compression, en conservant les particularités de sa locomotion que le cavalier va « influencer sans détruire », contrairement à ce qui se produit dans la mise sur la main où l’on voit nettement une « altération » de la locomotion « naturelle » du cheval, à contrario de ce qui s’obtient par la mise en main où le « fonctionnement naturel » du cheval n’est pas affecté, comme on peut le voir sur les vidéos suivantes :

Cheval sur la main dont la locomotion est « dénaturée », imageant bien le fait d’être obligé de « soutenir fermement » si l’on ne veut pas que l’avant-main ne s’écroule…

Cheval travaillé par la mise en main. Il s’agit « d’influencer » sans détruire ! La posture est radicalement différente que dans le concept de mise sur la main. Dans le cas de Katiki, le cheval apprend à se soutenir SEUL. Son encolure prend une forme arrondie, la nuque demeurant le point le plus haut et le chanfrein, s’il s’approche de la verticale ne la dépasse jamais.